GARDONS LES YEUX FIXÉS VERS LE BUT

Chère Madame, cher Monsieur,

Je souhaite partager avec vous une nouvelle qui marque une étape importante de l’histoire de La Cause. Notre Fondation est en effet contrainte, du fait de l’évolution de la législation, à mettre fin à son activité d’adoption dans laquelle elle s’est engagée il y a tout juste 100 ans.

C’est une très grande tristesse pour nous car, comme vous le savez, La Cause qui a été fondée juste après la Première Guerre mondiale par le pasteur Freddy Durrleman a toujours été attentive à la situation des enfants isolés et sans famille.

À partir de 1923, juste après la loi qui autorisait l’adoption de ces enfants, Élisabeth Durrleman, épouse du pasteur Freddy Durrleman, a créé un service d’aide à l’enfance, en pensant notamment aux femmes enceintes en situation de précarité et aux enfants abandonnés, voués à être placés en institution.

Sa démarche pionnière, qui a fait de La Cause une des toutes premières œuvres d’adoption en France, visait à ce que les enfants abandonnés trouvent rapidement une famille aimante et évitent ainsi de connaître un placement à l’assistance publique. De même, l’accompagnement de futures mères ou de jeunes mères isolées leur permettait soit de garder leur enfant, soit de lui permettre d’être d’accueilli dans une famille.

Après Élisabeth Durrleman, c’est sa belle-fille, Rose-Marie, qui a dirigé ce service jusqu’en 1993. Au total, près de 602 enfants nés en France ont ainsi pu être adoptés grâce à l’accompagnement de La Cause, reconnue comme organisme agréé pour l’adoption par les pouvoirs publics.

Les politiques publiques en faveur de l’enfance et des mères isolées s’étant renforcées et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse ayant fortement réduit le nombre de naissances non désirées, l’accompagnement par La Cause des femmes enceintes en détresse s’est alors orienté vers l’accueil des femmes souhaitant accoucher anonymement.

Dans le même temps, La Cause s’est engagée dans l’adoption internationale et a été habilitée à cet effet par les pouvoirs publics. Par son intermédiaire, de nombreuses familles ont pu accueillir des enfants venus de Corée (1969), du Sri- Lanka (1981), d’Inde (1982), de Madagascar (1989), d’Arménie (2003), et d’Haïti (2007).

La Cause a toujours été guidée dans cette action par des principes éthiques rigoureux avec lesquels elle n’a jamais transigé, en s’assurant notamment que les enfants qui lui étaient confiés en vue d’une adoption étaient bien légalement adoptables au regard du droit français et de la législation de leur pays d’origine.

Toutefois, les difficultés rencontrées dans certains pays où ont été pratiquées des adoptions illégales ont fait sentir le besoin d’une convention internationale au plus près des intérêts des enfants : c’est la Convention de La Haye, qui a été ratifiée par la France en 1993. Les principes énoncés par ce texte sont basés sur l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui a toujours été le principe essentiel du service Enfance de La Cause. Cette Convention demande aux pays d’accueil de créer un organisme d’État pouvant accompagner les adoptions internationales.

Dans le prolongement de ce texte, la législation française sur l’adoption est progressivement devenue plus contraignante pour les organismes d’adoption et La Cause s’est adaptée à ces évolutions. Mais la nouvelle loi sur l’adoption de février 2022 interdit désormais à tout organisme privé de recueillir des enfants en France en vue d’adoption. Seule l’aide sociale à l’enfance des départements peut maintenant remplir ce rôle. Dans ces conditions, le dernier enfant recueilli en France par La Cause est né en décembre 2021 et a été adopté par un couple chrétien.

Parallèlement, les pouvoirs publics ont exercé un contrôle plus rigoureux sur les procédures d’adoption internationale qui a progressivement restreint le nombre d’adoption en réduisant le nombre de pays ouverts à l’adoption internationale.

Depuis 2022, La Cause était toutefois restée encore organisme habilité pour l’adoption internationale à Madagascar, où elle a accompagné l’adoption de 108 enfants depuis 1989. Or, les pouvoirs publics français, dans un contexte relationnel difficile avec ce pays, ont décidé en octobre 2022 de suspendre pour une durée d’un an l’adoption de ressortissants mineurs de ce pays, suspension qui a été reconduite en octobre 2023 pour une durée indéfinie.

Comme vous le savez, La Cause est aussi fortement engagée dans un soutien humanitaire à de nombreuses institutions qui accueillent à Madagascar des enfants sans parents. Mais le cadre d’application de la loi sur l’adoption de février 2022 entraîne qu’un même organisme ne pourrait plus dans un même pays à la fois accompagner des adoptions et mettre en œuvre des actions humanitaires.

Dans ce contexte de suspension de toute possibilité d’adoption d’enfants nés à Madagascar pour une durée indéterminée et d’interdiction immédiate de toute action humanitaire dans ce pays si La Cause y restait habilitée pour accompagner des adoptions, le Conseil d’administration de La Cause s’est résigné avec une très grande tristesse à ne pas demander le renouvellement de son habilitation pour procéder à des adoptions à Madagascar, pour pouvoir poursuivre dans ce pays son action humanitaire auprès des 524 enfants qu’elle y soutient. Besoa et Botovasoa, les jumeaux malgaches qui ont été accueillis cet été 2023 seront les derniers enfants accompagnés et confiés à une famille adoptante par notre Fondation. 

C’est donc une page importante qui se tourne pour La Cause, avec un vrai déchirement, non pas de notre initiative comme vous l’avez bien compris, mais sous la contrainte des évolutions législatives. Comme la loi nous y oblige, nous allons devoir de ce fait transférer aux archives départementales des Yvelines tous les dossiers d’adoption actuellement conservés depuis l’origine par La Cause.

Nous pensons en ce moment avec émotion à ces presque deux mille enfants qui ont été adoptés avec la médiation de La Cause, à ce qu’ils sont devenus, à leurs familles.

Je tiens à dire aux familles adoptantes que même si le service adoption cesse ses activités, le département enfance de notre Fondation continuera à les accompagner, quoi qu’il arrive. Nous resterons à votre écoute, pour vous aider dans vos démarches éventuelles. Nous continuerons aussi à accompagner les personnes adoptées en provenance de Corée ou de Madagascar, comme nous le faisons actuellement. Les amis de La Cause sont comme une grande famille et cela ne va pas s’arrêter avec la fin de l’adoption.

Les pays dans lesquels la Fondation La Cause intervient, comptent hélas encore beaucoup d’enfants vulnérables. La Cause va continuer à soutenir les centres qui les accueillent sur place, elle va développer ses parrainages pour permettre à ces enfants de poursuivre des études et de devenir un jour autonomes et de fonder à leur tour une famille, elle poursuivra des actions pour lutter contre les effets néfastes des changements climatiques. En France, nous nous réorientons vers nouveau programme « La Cause des familles », dont nous vous reparlerons, lors de son lancement dans quelques mois.

Je vous prie de me pardonner ce courrier un peu long, mais je tenais à vous expliquer en détail les raisons de l’arrêt de ce service qui a été si important dans l’action et l’histoire de La Cause. Les temps changent : il nous faut faire preuve de souplesse et d’adaptabilité pour continuer à venir en aide aux plus petits de nos frères et sœurs, et ainsi témoigner de l’amour de Dieu pour tous.

C’est dans cette espérance, que je vous prie de recevoir, chère Madame, cher Monsieur, chers enfants, mes fraternels messages et mes meilleurs vœux pour les fêtes de fin d’année qui approchent. 

Christian Bonnet
Président de la Fondation La Cause